Homélie du 2ème dimanche du Carême
Abbé Jean Compazieu | 20 février 2021
Le Fils Bien-aimé
Textes bibliques : Lire
Tout au long du Carême, nous entendons un appel à revenir vers le Seigneur et à lui donner la première place. Dans la première lecture, nous découvrons Abraham qui a répondu à l’appel de Dieu par une disponibilité absolue. Mis à l’épreuve, il n’a pas refusé de sacrifier ce qu’il avait de plus précieux, l’enfant porteur de la promesse. S’il est prêt à sacrifier ce fils unique, c’est parce qu’il aime Dieu de tout son cœur. Son amour pour Dieu est plus grand que tout.
Dans l’Évangile, nous avons écouté le récit de la Transfiguration : il nous montre le Christ plein de gloire parce qu’il répond à l’amour du Père. S’il est prêt à mourir pour manifester sa fidélité absolue au Père, c’est parce qu’il aime le Père de toute ses forces. La seule manière de répondre à l’amour et à la tendresse de Dieu c’est de l’aimer “de tout notre cœur, de toutes nos forces et de tout notre esprit”.
Les Évangiles nous donnent de nombreux témoignages de cet amour sans limite : nous pensons à Marie qui a dit : “Voici la servante du Seigneur” ; en répondant à l’appel de Dieu, elle a fait l’offrande de toute sa vie. Dans la seconde lecture, saint Paul s’adresse à des chrétiens persécutés ; il leur adresse des paroles d’espérance et de réconfort : “Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?” Malgré les épreuves qui les accablent, il les invite à une confiance totale en Dieu ; lui-même s’est donné au Christ sans réserve.
L’Évangile nous montre les trois disciples qui font la découverte extraordinaire de Jésus transfiguré et lumineux. Ce rayonnement vient précisément de son amour sans réserve pour son Père et pour le monde entier. Pierre voudrait rester là à fixer l’événement. Mais la voix du Père vient le rappeler à la vraie priorité : “Celui-ci est mon Fils Bien aimé : écoutez-le”. Cette parole est importante. Nous devons écouter Jésus. Ce n’est pas le pape ni les évêques ni les prêtres qui disent cela, c’est Dieu lui-même qui nous le dit à tous. Le Seigneur est là au cœur de nos vies, de nos loisirs et de nos soucis. Mais trop souvent, nous sommes ailleurs. Nous organisons notre vie en dehors de lui.
Nous disciples du Christ, nous sommes appelés à être des personnes qui écoutent sa voix et qui prennent au sérieux ses paroles. Pour écouter Jésus, il faut être proche de lui, il faut le suivre, il faut accueillir son enseignement. C’est ce que faisaient les foules de l’Évangile qui le poursuivaient sur les routes de Palestine. Le message qu’il leur transmettait était vraiment l’enseignement du Père. Cet enseignement, nous pouvons le trouver chaque jour dans l’Évangile ; quand nous le lisons, c’est vraiment Jésus qui nous parle, c’est sa Parole que nous écoutons.
Dans cet épisode de la Transfiguration, nous trouvons deux moments significatifs : la montée et la descente. Le Seigneur nous appelle à l’écart, à monter sur la montagne. Comprenons bien, il ne s’agit pas de faire de l’alpinisme mais de trouver un lieu de silence et de recueillement pour mieux percevoir la voix du Seigneur. C’est ce que nous faisons dans la prière. Pendant l’été, beaucoup choisissent de passer quelques jours dans un monastère. Ils ont besoin de ce temps de ressourcement pour leur vie chrétienne.
Mais nous ne pouvons pas rester là. La rencontre avec Dieu dans la prière nous pousse à « descendre » de la montagne. Nous sommes invités à retourner en bas, dans la plaine et à rejoindre le monde dans ce qu’il vit. Nous y trouverons tous ceux et celles qui sont accablés par le poids du fardeau, des maladies, des injustices, de l’ignorance, de la pauvreté matérielle et spirituelle.
Nous sommes envoyés pour être les témoins et les messagers de l’espérance qui nous anime. Cette parole que nous avons reçue doit grandir en nous. Cela ne se réalisera qui si nous la proclamons. Si nous l’accueillons, ce n’est pas pour la mettre dans un conservateur mais pour la donner aux autres ; c’est cela la vie chrétienne : accueillir Jésus et le donner aux autres. Lui seul peut nous transfigurer. En ce jour nous le supplions : “Toi qui es Lumière, toi qui es l’amour, mets en nos ténèbres ton esprit d’amour.”
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Sources : Revues liturgiques, Fiches dominicales, Feu Nouveau, Cahiers prions en Église – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes (JP Bagot), homélies pour l’année B (A Brunot), commentaires de Marie-Noëlle Thabut, homélies pour l’année liturgique B (Simon Faivre), Pensées sur l’Évangile de Marc (Christoph Schönborn)
La Transfiguration de Jésus sur le mont Thabor en présence de Pierre, Jacques et Jean marque un tournant décisif dans le mystère de la Rédemption. C’est assez rare de trouver dans les Évangiles de Marc, Matthieu et Luc, un épisode raconté de manière aussi proche et avec autant de détails communs. Les évangélistes placent tous le récit au moment où Jésus va se mettre en route pour Jérusalem, au devant des situations les plus éprouvantes de sa mission.
La Passion en ligne de mire, cette manifestation du Christ préfigure sa Résurrection. Jésus anticipe le désarroi de ses disciples sur les incidents tragiques qui vont venir. Ses souffrances et sa mort ne mettront pas un point final à sa mission mais révéleront sa divinité. ‘Par cette Transfiguration, il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la Croix et, en leur révélant toute la grandeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa passion volontaire ne bouleversent leur foi’, comme le dit le pape Saint Léon le Grand. En définitive, l’Amour va triompher de la mort. Et ce sera à ses disciples d’en témoigner ! Pour le moment, il s’agit de les rassurer et de conforter leur foi, juste après la première annonce de sa Passion. « Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. » (Mc 8:31)
Sur le mont Thabor, les trois disciples sont les témoins émerveillés d’un événement qui les dépasse. Une expérience exceptionnelle mais de courte durée. Pour eux, Jésus a voulu faire le lien entre sa gloire et sa souffrance. Le message était clair : Jésus leur dévoile une petite lueur de sa divinité. Car malgré tout ce qui va Lui arriver, Il est toujours le Messie, l’Envoyé du Père. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » (Mc 9:7) L’instant de la vision splendide fut très bref mais tellement merveilleux que Pierre avait proposé de prolonger ces minutes devenues éternelles ! Un moment de lumière et de ravissement. Mais malgré cette révélation importante, la splendeur de cette vision ne suffira pas à les convaincre de se surpasser au moment de l’épreuve capitale du Maître. La Passion va être pour eux une immense mise à l’essai. À l’heure de la Croix, cet émerveillement sera vite oublié. Leur foi sera ébranlée ! Après avoir vu le visage du Maître transfiguré, ils le verront défiguré.
Pour chacun de nous, le chemin de foi n’est jamais linéaire. Il y a toujours des hauts et des bas suivant les événements de la vie ! Il est facile d’avoir la foi lorsque tout va bien dans notre famille, au travail et que nous sommes en bonne santé. C’est plus difficile lorsque nous traversons une période de crise et d’incertitude, lorsque la lumière au bout du tunnel reste désespérément hors de vue. Jésus nous invite à ne pas nous arrêter sur les épreuves, à aborder avec courage le chemin escarpé et difficile pour aller à sa rencontre. Malgré tout, il nous arrive aussi des fois d’apprécier des moments fugaces où Dieu semble évident. Sa présence nous vivifie. Nous vivons des instants si merveilleux que nous voudrions les éterniser. Une quiétude qui nous aide à tenir le fil d’un quotidien lourd et menaçant. Et comme Pierre nous avons envie, nous aussi, de rester en haut, de nous installer et de planter notre tente. Il fait si bon !… Mais voilà, il faut redescendre ! Il nous faut nous replonger dans la réalité de la vie.
La prière a été l’élément moteur de la Transfiguration du Christ. Le récit de saint Luc est explicite sur ce point : « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. » (Lc 9:29) Même si notre prière ne nous conduit pas toujours à une profonde transformation, elle peut nous apporter la paix et nous redonner courage pour faire face aux problèmes de la vie. Comme une source d’eau vive au milieu du désert, les moments d’intimité avec Dieu sont une oasis sur notre chemin vers Dieu. Mais rencontrer Dieu, ce n’est pas pour s’isoler avec Lui en oubliant le monde, en s’évadant de la société. Au contraire, Jésus nous invite à redescendre de la montagne pour reprendre notre vie quotidienne en la transfigurant, à aborder avec courage le chemin escarpé et difficile pour aller à sa rencontre. Rencontrer Dieu pour Le porter au monde. « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. » (Mc 16:15)
Nguyễn Thế Cường Jacques
Merci pour vos écrits que j’ai particulièrement appréciés. Soeur Claire a fait un commentaire prodigieusent intéressant.